Un jour avant le premier tour de l'élection présidentielle de 2007

l'éditorial d'Alain Duhamel Var Matin 21 avril 2007

Au coeur de la très imparfaite démocratie française, les citoyens redeviennent les maîtres une fois tous les cinq ans. C'est ce qui va se produire demain, à l'occasion du premier tour de l'élection présidentielle, puis deux semaines plus tard lorsqu'il s'agira de choisir définitivement le nouveau chef de l'Etat. Dans ces deux circonstances, les électeurs font réellement la décision et dressent en même temps le tableau le plus réaliste, voire le plus cru de l'état de la société française. Chaque scrutin présidentiel devient ainsi à la fois un moment décisif et un miroir fidèle. Tous les cinq ans, la France se regarde au fond des urnes.

Avant même qu'ils ne choisissent leur bulletin dans l'isoloir, les citoyens savent cette fois-ci que la vie politique va changer de phase. Le cycle mitterrando-chiraquien qui a duré un quart de siècle s'achève. Une autre génération, celle des jeunes quinquagénaires, revendique le pouvoir. Pour la première fois dans l'histoire de la Ve République, une femme possède une chance réelle de se qualifier pour le second tour. A l'issue de la plus longue campagne qui ait jamais eu lieu, quatre candidats détiennent encore arithmétiquement une possibilité de participer au duel final. Le pourcentage d'indécis demeure spectaculairement élevé, en raison notamment de citoyens, encore nombreux qui hésitent entre François Bayrou et Ségolène Royal et à un moindre degré entre Nicolas Sarkozy et Jean-Marie Le Pen. Des surprises sont donc encore possibles et les sondages n'ont ni la prétention ni les moyens de prédire le résultat. Les Français seuls détiennent la réponse. On peut penser cependant qu'ils seront cette fois-ci nettement plus nombreux à voter. En 2002, au premier tour de l'élection présidentielle, 28,4 % d'entre eux s'étaient abstenus. En 2007, ils ne devraient guère dépasser les 20 %. Les inscriptions électorales ont été plus nombreuses, la campagne a intéressé, même si sur la fin elle tournait en rond, les meetings ont fait salle comble, les émissions, même convenues, ont obtenu de fortes audiences. Tout cela tend à prouver qu'après un quart de siècle de désenchantement, de scepticisme, de pessimisme, voire de ressentiment, les citoyens accordent une nouvelle chance aux prétendants qui auront forcément des visages inédits au second tour. Les difficultés des candidats situés à la gauche du PS ou à la droite de l'UMP confirment ce sentiment : en 2002, les prétendants portant les couleurs du PS, de l'UDF et de l'UMP n'avaient rassemblé que 40 % des suffrages à eux trois au premier tour. Si cette fois-ci les sondages sont confirmés par les suffrages, ils réuniront demain quelque 70 % des voix.

Une campagne bien suivie, une élection ouverte et même indécise, une nouvelle génération de candidats, des programmes incomplets et imparfaits mais plus imaginatifs qu'en 2002, il y a là des signes encourageants, même s'il faut déplorer que le débat présidentiel ait jusqu'ici beaucoup trop ignoré les dimensions européennes et mondiales, comme si la France était un village perdu.


Mis en ligne le 25/04/2007 par Pierre Ratcliffe. Contact: (pratclif@free.fr)